Club Italie-France: Intervista Myriam Maestroni - Opinion Leader

Myriam Maestroni

Club Italie-France : en 2014, vous avez été nommée « Femme de l’Environnement ». Quelle femme êtes-vous ?

Myriam Maestroni : C’est amusant que vous me rappeliez ce moment de ma vie qui a été pour moi très important. Il faut comprendre que j’ai passé mes 20 premières années de carrière dans le pétrole et dans le gaz. Je l’ai fait avec des convictions très fortes, notamment celle selon laquelle l’énergie était au cœur du progrès et de notre société moderne. Lorsque j’ai décidé de quitter mon poste de dirigeante (C/o) de Primagaz en 2011, c’était l’aboutissement d’un chemin de transformation qui m’a pris plusieurs années, et qui a conduit à la décision de lancer une des premiers starts up spécialisée dans l’efficacité énergétique avec un nom évocateur : Économie d’Énergie (EDE SA). Bien évidemment, cette décision s’inscrivait en contrepoint évident par rapport à mes 20 années passés dans le secteur des énergies fossiles. J’ai beaucoup répété que je considérais alors que je démarrais une nouvelle phase… de rédemption ! En effet, j’avais alors déjà intégré la conviction que le changement climatique était une dimension fondamentale et que ses conséquences allaient être beaucoup plus importantes et rapides que ce que l’on imaginait. Il me semblait essentiel de prendre en compte les externalités négatives de notre économie dont, bien évidemment, les émissions de carbone et de gaz à effet de serre en général. C’était comme une illumination… et à ce moment là encore un pari, car nous étions peu à voir les choses comme cela.

Aussi, lorsque j’ai été nommée « Femme de l’Environnement » en 2014, c’était tout un symbole pour moi… J’y ai vu un encouragement et une marque de soutien dans cette nouvelle vie qui ont été très importants pour moi. Quand on décide de changer de vie et de passer de l’autre côté du miroir, ce n’est pas une démarche facile. Je suis une femme de convictions et d’engagements, au point d’ailleurs d’en avoir fait un chemin de vie, même si cela a supposé des renoncements et m’a valu des jugements parfois sévères, car des choix radicaux sont souvent difficiles à comprendre… Je n’ai toutefois jamais regretté une de mes décisions. Bien au contraire, car finalement, elles se sont toutes avérées être les bonnes. Quand j’ai fondé Économie d’Énergie, nous étions huit personnes avec zéro Euro de chiffre d’affaires… Huit années plus tard, en 2019, lorsque j’ai vendu cette société au groupe La Poste, nous étions passés de 8 salariés à 350 et de zéro Euro de chiffre d’affaires à 150 millions ! Mais cela, c’était après… Car, au début de l’histoire, les risques à prendre et l’énergie pour se réinventer – dans une nouvelle dynamique et avec de nouvelles compétences – étaient énormes. Ceci explique pourquoi cette distinction a été aussi importante pour moi. Il me semble d’ailleurs important de réitérer toute la gratitude envers les personnes clairvoyantes qui ont contribué à cette reconnaissance. Lorsque nous décidons de vivre une vie alignée avec nos convictions et nos aspirations sincères, nous avons tous besoin d’encouragements, car le travail à fournir est énorme. Au fil du temps j’ai acquis la certitude de l’importance de vivre une vie alignée avec nos idées… ce qui nous oblige à changer de vie ou d’idées ! Je suis également convaincue que c’est une condition pour accéder au bonheur, bonheur à conjuguer bien sûr avec l’envie de continuer à apprendre -a fortiori dans un monde qui se transforme aussi vite- et de contribuer au bien commun, plus important que jamais dans notre humanité menacée.

Club Italie-France : Vous parlez souvent d’énergie 5.0 » et de « chaîne de services ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Myriam Maestroni : C’est le principe fondateur de la société que j’ai créée. Je m’étais aperçue que, dans les faits, le client était resté au niveau d’usager et était juste bon à payer les factures. Il me paraissait essentiel de donner à chacun les clés pour mieux maîtriser ses consommations d’énergie. Pour cela, il était déterminant de mieux définir la notion d’« efficacité énergétique », d’ailleurs encore toujours mal comprise. Dans nos schémas de pensée, c’est assez contre-intuitif de donner de la valeur à quelque chose que nous ne consommons pas, d’autant que cela implique d’agir sur plusieurs leviers. D’ailleurs, je me souviens que lorsque l’on discutait avec les spécialistes du secteur, chacun donnait sa définition du sujet et partageait sa vision, en attrapant certes souvent le petit bout de la lorgnette… Ils avaient en fait tous raison, mais malheureusement, chacun était convaincu de sa vérité et tendait souvent à l’imposer au détriment des autres. Or une des caractéristiques de l’efficacité énergétique est que l’on doit absolument développer une vision holistique du problème à l’image d’ailleurs plus large de la transition énergétique. C’est à mon sens une des caractéristiques et l’une des principales difficultés des nouveaux modèles économiques. J’avais donc alors considéré comme essentiel de m’attaquer à ce problème. Le modèle, de la « service profit chain » – que j’étais partie étudier à Harvard Business School aux US et sur lequel j’ai travaillé avec mon grand ami le Professeur Luis Huete – m’a été d’une grande utilité. J’ai transposé ce modèle qui avait d’ailleurs été initialement conçu pour les services au secteur -industriel- de l’énergie. 

Cette démarche m’a amené à définir la « chaine de services » de l’efficacité énergétique qui me paraissait de nature à mettre tout le monde d’accord ! Dans cette chaîne, je distinguais 5 leviers :

-le premier était la capacité de pouvoir choisir son fournisseur d’énergie,
-le deuxième était d’agir sur les comportements et ajuster un peu nos modes de vie (plus de deux cent gestes du quotidien peuvent nous permettre d’économiser de l’énergie),
-le troisième était, bien sûr, de rénover et améliorer l’efficacité énergétique de nos logements en effectuant des travaux critiques (isoler notre maison, changer de chaudière, etc),
-le quatrième était de faire appel aux nouvelles technologies « smart » pour permettre à chacun de mieux comprendre ses consommations et d’agir pour les réduire et enfin le dernier est celui de produire sa propre énergie. -le cinquième consistait à favoriser l’autoconsommation grâce à des installations individuelles d’énergie, notamment photovoltaïque, le marché restant d’ailleurs encore largement à développer. 

En fin de compte, maîtriser l’ensemble des maillons de la chaîne consiste à permettre à l’usager d’hier de devenir un « éco-citoyen consomm’acteur », lequel peut commencer à prendre en main son destin énergétique. Aujourd’hui, plus que jamais dans le contexte de forte augmentation des prix de l’énergie, cet enjeu est fondamental et il devrait être le socle des politiques énergétiques européennes.

Club Italie-France : En parallèle vous avez développé et vous continuez à vous investir dans un Fonds de Dotation appelé E5T ? Pouvez-vous nous expliquer l’activité et les objectifs d’E5T?

Myriam Maestroni : J’ai créé le fonds de dotation E5T en même temps que ma start-up Économie d’Énergie parce qu’il me paraissait déterminant d’analyser l’ensemble des paramètres de la transition énergétique qui impliquent une transformation profonde dans de nombreux domaines. A l’origine, c’était une petite initiative. Je considérais important et intéressant de réunir au moins une fois par an les différentes parties prenantes impliquées dans la transition énergétique, en choisissant ceux et celles qui étaient le plus en pointe sur ces questions. Nous avons alors créé, avec un groupe de bons collègues et amis (Corinne Lepage, Franck Bruneau, Michèle Sabban, Michel Derdevet, etc), nos premières Universités d’été d’E5T à La Rochelle. Il s’agissait une fois par an de lancer un dialogue intégratif pour parler des nouvelles énergies (premier « E » d’E5T), d’Efficacité Energétique (les 2 suivants), d’Environnement et d’Économie (les 2 derniers E d’E5T). L’idée était de promouvoir un dialogue de qualité entre élus, étudiants, représentants des collectivités locales, dirigeants et chefs d’entreprise de toutes tailles, enseignants-chercheurs, etc. C’est assez rare de parvenir à réunir autant de points de vue et de pouvoir les partager.

L’an dernier, nous avons ainsi fêté les 10 ans d’E5T. Depuis l’idée d’origine nous avons beaucoup évolué. Aujourd’hui E5T a 4 missions principales :

-la première est de repérer et identifier les initiatives qui contribuent ou peuvent contribuer directement ou indirectement à la transition énergétique et à la neutralité carbone,
-la deuxième est de mettre en valeur ces initiatives au cours de nos universités (aujourd’hui déployées dans différents lieux du monde, et en France toujours à La Rochelle ou sur un port -cette année ce sera Le Havre, les années passées c’était Dunkerque- en veillant à les structurer autour d’un agenda et d’une réflexion précis puis à les mettre en perspective par rapport à l’environnement global,
-la troisième mission est de développer et animer un réseau de gens qui innovent et créent ensemble, avec des vocations et des innovations nées et à naître !
-et enfin la dernière mission plus récente est de développer un volet éducation, car trop peu de gens comprennent le besoin d’innover et changer et penser le monde d’après. 

Cette dernière initiative a donné le jour au premier Executive MBA sur la transition énergétique (en coopération avec l’IPAG Business School Paris-Nice-Shanghaï) dont nous lançons en septembre prochain la deuxième promotion, et à la plate-forme digitale E5T Education, en plein essor.

Club Italie-France : Si on devait mettre en comparaison la situation énergétique en Italie et en France, quel serait-il le résultat de cette analyse ?

Myriam Maestroni : L’Italie est un pays qui a su investir dans son tissu d’entreprises petites et moyennes, avec des structures familiales qui savent se transférer d’une génération à une autre et de cela la France doit apprendre de l’Italie. A contrario, la France est capable de penser le changement et de penser la transformation de théoriser ces grandes dynamiques. En matière de transition énergétique, l’Italie a pris des décisions claires en matière industrielle et pour promouvoir les énergies renouvelables. Néanmoins il reste beaucoup à faire pour sensibiliser, acculturer, former l’ensemble de la société et les citoyens, notamment pour ces derniers au rôle actif qu’ils peuvent jouer dans cette transition. Car la nouvelle économie de la neutralité carbone est une rencontre entre les grandes visions industrielles et le rôle de chacun. Le pays est en train de vivre un véritable renouveau économique dans cette phase post-pandémique et c’est certainement un bon moment pour promouvoir un débat inclusif et pour construire un consensus solide… probablement plus facile à construire d’ailleurs qu’en France, où nous avons beaucoup de difficultés à passer au-delà des oppositions et des équations (les « pour » combattant ardemment les « contre » de façon fort stérile)… Pareille attitude est non seulement contre-productive mais ne correspond en plus en aucun cas à la vision holistique que requiert la construction d’un monde « net zéro ». 

L’autre sujet d’attention pour nos deux pays réside dans le fait que l’on a trop vu l’écologie devenir otage de partis politiques alors qu’elle doit et qu’elle est d’ailleurs en train de s’imposer comme un enjeu non seulement environnemental mais sociétal à part entière, donc fondamentalement transversal. Cela explique l’importance d’ouvrir le dialogue et de partager largement avec les citoyens les énormes opportunités d’un changement en profondeur, que l’on pourrait assimiler à une renaissance. L’Italie en a eu d’ailleurs la primeur avant que ne surgisse la révolution industrielle, car nous sommes en train de poser les bases d’un nouveau paradigme éco-énergétique, un événement majeur, que le gouvernement Draghi a parfaitement su optimiser auprès des instances européennes notamment.

Tout cela suppose bien sûr de capitaliser sur l’idée révolutionnaire de découpler la croissance économique de l’utilisation croissante des énergies fossiles qui a prévalu jusqu’à maintenant, d’accélérer la prise en compte des externalités négatives et positives notamment en encourageant l’économie circulaire et régénérative, de décentraliser et contribuer à réorienter le tissu industriel local, et, bien sûr, de promouvoir l’innovation durable et responsable. Le jeu en vaut la chandelle. Dans son engagement européen, l’Italie deviendra certainement un pays à forte valeur ajoutée pour construire dès à présent “l’Europe de l’efficacité énergétique et de la neutralité carbone”. La coopération et les intelligences locales devront pouvoir s’exprimer de façon plus concrète et je vois de nombreux sujets de coopération qui restent à construire et à définir et les mois à venir. Dans cette phase, nul doute qu’on aura besoin de beaucoup d’intelligence et de présence et d’une grande capacité à discuter et à décider des bases de notre société future en évitant un gaspillage d’argent et d’énergie… J’ai quelques idées là-dessus, mais ce serait l’objet d’un nouvel entretien complet !

Club Italie-France : Les institutions européennes sont réactives dans ce domaine ? Quel intérêt pour les institutions de s’investir dans les enjeux énergétiques ?

Myriam Maestroni : Lorsqu’Ursula von der Leyen a lancé le pacte vert pour l’Europe en prenant ses fonctions, juste avant la pandémie, on a assisté à une prise de position absolument remarquable. Cette ambition a démontré un leadership énorme, et c’est important de saluer cet immense effort à la pointe d’une belle vision de futur pour l’Europe. Quand la crise sanitaire est survenue, le risque d’oublier le climat pour ne penser qu’à la relance économique était très fort. J’ai alors suivi de très près la situation, et l’on s’est vite aperçu du fait que les Etats-membres de l’UE – dont la France d’ailleurs – étaient assez d’accords pour dire qu’il ne fallait pas opposer relance économique et accélération de la lutte contre l’urgence climatique. On a ainsi vite acté que ces deux enjeux majeurs devaient coexister et que, si l’on ne combine pas la relance économique à la lutte contre le changement économique, il n’y a pas de vision efficace et réaliste possible. Très vite, le monde a suivi et les annonces pour s’orienter vers le « net zéro » se sont multipliées.

Le sujet est pourtant complexe ! Si l’on regarde d’un peu plus près, dans la pratique on est très loin d’une « Energy Union ». Chacun prend ses décisions de son côté. L’Allemagne a décidé de sortir du nucléaire, ainsi que l’Italie ou l’Espagne. En France, en revanche, près de ¾ de la production électrique provient du nucléaire et le Président Macron vient d’annoncer de nouveaux engagements en la matière dans France 2030. L’Allemagne a quant à elle poussé le gaz naturel, moins polluant que le charbon et le pétrole. En plein milieu d’une crise militaire avec l’Ukraine qui a induit un recours important au gaz de schiste américain… Bref, le problème de l’Union énergétique face au défi de la neutralité carbone est très complexe, car la structure en partie supranationale de l’Union européenne se heurte aux intérêts nationaux et à une recomposition de la donne géopolitique au niveau mondial. D’un côté, la France a porté un discours pour que le nucléaire soit reconnu dans la taxonomie verte et, de l’autre, l’Allemagne promeut le gaz naturel… Aussi les deux pays s’opposent-ils à d’autres, lesquels regardent de leur côté, en fonction de leurs intérêts et visions propres des choses. 

Autre sujet, aujourd’hui le prix de l’énergie et de la supply chain explose. Il est bien de vouloir être de bons élèves, mais il faut également se protéger des mauvais élèves… Chacun doit prendre ses responsabilités. On l’a vu à Glasgow, lors de la dernière COP26. La Chine ou l’Inde ont du mal à renoncer au charbon. Les États-Unis continuent à exploiter leur gaz et pétrole de schiste et veulent plus largement l’exporter. L’Union Européenne doit conserver sa légitimité en promouvant notamment un meilleur dialogue entre les Etats-membres. Un défi parmi d’autres…. dont celui de retrouver une industrie locale adaptée à la vision future. En la matière, nous avons besoin de pousser encore les réflexions, car il faut être cohérent jusqu’au bout : nous ne pouvons pas d’un côté être neutres en carbone et continuer à dépendre des importations de la part de pays bien moins exigeants que nous ne le sommes.

Club Italie-France : Vous avez gagné le prix Women Entrepreneurs 2019. Que conseillez-vous aux jeunes et aux femmes aujourd’hui pour réussir, s’affirmer et combattre les préjugés ?

Myriam Maestroni : Avant de créer EDE, j’ai été dirigeante d’une filiale d’un grand groupe (Primagaz, filiale de SHV), avec plus de mille salariés sous ma responsabilité, à un moment où il y avait encore très peu de femmes dans le secteur. J’étais alors salariée et, comme beaucoup de dirigeants salariés, je me suis retrouvé à devoir gérer des rapports compliqués avec des patrons, parfois inspirants, parfois frustrants… D’où mon projet consécutif de créer ma propre société, EDE. L’entreprenariat a ainsi été quelque chose de très important pour moi, car réussir un projet qui nous appartient est une aventure extraordinaire. Le risque est élevé mais la récompense est à la mesure, car d’un coup on dispose du pouvoir magique d’imaginer et de créer sa vie comme on l’entend. La contrepartie de cette immense liberté est qu’il faut apprendre à gérer ses émotions dont ses propres peurs. Pour entreprendre, il ne faut pas être stressé au mauvais sens du terme. Si on est quelqu’un de très anxieux, cela va être compliqué… Il nous manque une vraie culture de l’échec en France et en Europe. Que l’on soit homme ou femme, on a un destin et une vie à décider. Il faut un vrai leadership : on décide de la sorte de voir le verre soit à moitié plein, soit à moitié vide…, de générer des relations positives ou toxiques. Nous avons toujours le choix de positiver, mais nous vivons dans une société d’analphabétisme émotionnel : je pense que nous devons au contraire développer le “QE” individuel et collectif et aller ainsi vers une société d’entraide, de travail en équipe, faire preuve d’une plus grande solidarité, d’un plus grand niveau de conscience et de valeurs partagées. Mon invitation est de mieux essayer de comprendre qui nous sommes, et de mieux comprendre comment on peut mieux se construire en tant qu’êtres humains.

Un mot pour les femmes : j’ai passé 15 ans dans une entreprise ou j’étais la seule femme au top 100 (à l’exception de ma collègue et de mon amie Ulrike). Quand j’ai fondé l’économie d’énergie, j’ai décidé que je voulais faire de la parité un élément moteur de la croissance. C’était une expérience extraordinaire, car l’environnement paritaire est extrêmement positif et synergique. Je pense que nous devons exiger la parité et pour cela, nous devons mieux comprendre les rapports, entre les femmes elles-mêmes et entre femmes et hommes. C’est une culture dans laquelle le respect doit prévaloir et c’est aussi une façon de voir les choses. Il faut se dire que tout cela est possible ! et sans lutte des sexes!

Club Italie-France : Votre nom de famille trahit vos origines italiennes. Entre autres, vous parlez parfaitement l’italien. L’Italie et la culture italienne ont été présentes dans votre vie ?

Myriam Maestroni : C’est gentil de me dire que je parle parfaitement… car je crains que mon espagnol ne me fasse commettre encore beaucoup d’erreurs… mais j’essaie de m’améliorer ! Je suis attachée à mon nom, qui provient du Nord de l’Italie, et j’étais très touchée et très fière quand on m’a expliqué qu’il voulait dire » les grands-maîtres ». C’est un devoir et un honneur de rester fidèle à nos origines, même si j’aime profondément le pays choisi par mes ancêtres et dans lequel je suis née. Je pense que culturellement, j’ai gardé le goût du travail. Je vis dans le pays qui a inventé la semaine des 35 h, mais la vraie question n’est pas le nombre d’heures travaillées, c’est plutôt notre relation avec le travail et comment on doit pouvoir apprendre à aimer ce que l’on fait car cela fait partie de notre identité. Personnellement, je ne peux pas imaginer de ne pas travailler, car c’est le travail est un fabuleux vecteur de développement personnel car il nous permet de comprendre qui nous sommes et nous donnes les moyens de devenir qui nous avons envie d’être… même si parfois l’ascenseur social se grippe, et que nous aurions besoin de mettre un peu d’huile dans les rouages…. Plus généralement, l’engagement passe par l’action et par le travail qui nous aide à transformer nos rêves en réalités. 

J’ai cultivé de mes origines italiennes, le goût du travail bien fait, une passion des détails qui font la différence, et ajoute un supplément d’âme aux choses les plus simples. En Italie un simple plat de spaghettis avec des tomates et du basilic peut atteindre le niveau d’une œuvre d’art ! J’ai également sans doute gardé un tempérament latin : j’aime les détails, l’empathie, parfois le goût du superflu, la qualité des relations et des contacts, la capacité à cultiver des émotions fortes et le goût de la vie. J’aime également l’histoire qui respire dans chaque recoin de Rome ou d’ailleurs, et plus généralement ce recul sur le temps qui nous permet de comprendre d’où nous venons pour mieux tracer des chemins vers nos lendemains individuels ou collectifs… Et puis, et enfin, le sens de la beauté et la spiritualité. La vie humaine est courte, donc décidons de la vivre avec ses épreuves et ses cadeaux, en cultivant la beauté et la spiritualité. Le jour ou l’on quitte cette terre, il me semble essentiel de pouvoir le faire avec l’idée que nous avons réussi à construire un chemin qui nous a permis de nous améliorer et de contribuer, même s’il s’agit d’une dose homéopathique, à améliorer le monde dans lequel on vit.

REPRODUCTION RÉSERVÉE ©

Club Italie-France: Affaires Internationales - Daisy Boscolo Marchi - Team
Interview réalisée par
Daisy Boscolo Marchi