
Maximilien Pellegrini
Club Italie-France : Après avoir cédé des activités à l’international à Veolia, le groupe Suez est en train d’écrire une nouvelle page de son histoire. Comment décriviez-vous ce nouveau Suez ?
Maximilien Pellegrini : Je commencerais par dire qu’il n’y a pas de « nouveau » SUEZ à proprement parler : SUEZ est et restera cette entreprise qui depuis 160 ans traverse l’histoire pour accompagner ses clients dans le monde. Nous avons conservé toutes nos savoir-faire et nos technologies et maintenons de très belles positions à l’international dans des géographies en plein développement, Afrique, Inde et Chine pour ne citer qu’elles. Suez présente toujours à ses clients une expertise sans égale dans le domaine des services à l’environnement. SUEZ, c’est 9 milliards de chiffre d’affaires et 44 000 collaborateurs partout dans le monde unis par la passion de leurs métiers et mobilisés chaque jour aux cotés de leurs clients et partenaires.
Face à des défis environnementaux grandissants, nous apportons des services essentiels pour protéger et améliorer la qualité de vie partout où nous agissons. Nous innovons pour préserver l’eau et valoriser les déchets, sous forme d’énergie et de matières recyclées. Nous promouvons et déployons des pratiques plus sobres, des technologies plus efficaces et des solutions circulaires.
A l’aube d’une nouvelle page de son histoire, SUEZ s’engage avec encore plus de force pour l’humain et la planète.
Club Italie-France : Vous êtes Directeur Général Délégué du groupe Suez. Quel a été votre parcours universitaire et professionnel au fil des années et quels sont à votre avis les compétences nécessaires aujourd’hui pour réussir sa carrière en tant que dirigeant ?
Maximilien Pellegrini : Je suis titulaire d’une maitrise d’économétrie et d’économie complété d’un master II en gestion. L’économie m’a toujours passionné. SUEZ a été une de mes premières entreprises et elle m’a permis d’évoluer et de progresser constamment ces 20 dernières années. La richesse de nos métiers est inépuisable et les défis de la transition écologique que nous rencontrons sont passionnants. J’ai été Directeur Général Ibérie et Afrique basé à Bilbao en Espagne, Directeur Général des solutions industrielles aux Etats-Unis puis Directeur Général Eau France de retour en France après 13 années à l’international avant d’être responsable de toutes les activités du groupe en France (eaux et déchets). J’ai rencontré des experts de grande qualité, des collaborateurs engagés, des collègues passionnés ce qui a toujours nourri ma motivation.
Je pense que pour être un bon dirigeant, il ne faut jamais oublier d’où l’on vient, faire confiance à la jeunesse, faire preuve d’humilité, ne pas rester dans sa zone de confort, être exigeant avec les autres mais aussi et surtout avec soi-même.
Club Italie-France : Le groupe Suez a-t-il des activités en Italie. Sur quel périmètre ? Y a-t-il des différences entre la gestion de l’eau en Italie et en France ?
Maximilien Pellegrini : Suez est présente en Italie depuis près de 60 ans notamment grâce à notre activité de traitement de l’eau. Nous sommes très fiers d’être partenaires et actionnaires d’ACEA, entreprise publique italienne de référence dans les multi-utilités (eau, énergie et déchets) opérant notamment dans la ville de Rome. Nous avons pour ambition de nous développer fortement en Italie dans nos deux métiers, la gestion de la ressource en eau et le recyclage et la valorisation des déchets en utilisant chaque fois que cela fait sens notre partenariat avec Acea. Par ailleurs, nous pensons que le développement de nouvelles capacités de traitement dans la gestion des déchets devient un axe de développement majeur au même titre que le déploiement de solutions pour protéger la ressource en eau dans le centre et dans le sud du pays.
Club Italie-France : Vous avez des origines italiennes. Connaissez-vous bien le pays ? Pensez-vous que les synergies économiques entre la France et l’Italie devraient être davantage développées ?
Maximilien Pellegrini : Je connais très bien le pays, j’y suis né et j’y retourne régulièrement. Je pense effectivement que la France et l’Italie sont des partenaires historiques et naturels et que le développement de relations bilatérales solides entre les pays membres de l’Union Européenne est clé pour relever les défis de notre compétitivité mondiale et de la transition écologique. Nos pays se ressemblent beaucoup mais les politiques publiques diffèrent sur les questions de gestion de la ressource et de l’énergie. A l’heure actuelle, je pense qu’il existe un véritable enjeu d’indépendance : il est grand temps d’imposer un mix énergétique intégré entre les différents pays de l’Union Européenne. D’ailleurs, je crois beaucoup en la capacité de nos gouvernements à investir massivement dans les énergies renouvelables notamment celles issues de la valorisation des déchets. Mettre en avant l’économie circulaire, c’est avant tout permettre une économie viable et ancrée dans les territoires en créant des emplois non délocalisables.
Pour établir les conditions favorables à cette économie, il faut stimuler l’offre et la demande des matières premières recyclées, développer les débouchés et élargir les possibilités de réutilisation des eaux usées. Favoriser l’économie circulaire, c’est également contribuer à réduire nos émissions de CO2. A titre d’exemple, produire une tonne de PET recyclé émet 70% de CO2 de moins qu’une tonne de PET vierge (le PET est utilisé pour la fabrication des bouteilles notamment). Voici quelques exemples qui illustrent l’apport de nos métiers dans la transition énergétique.
Club Italie-France : quel sera l’impact du changement climatique sur les ressources en eau ?
Maximilien Pellegrini : Le changement climatique met nos ressources en eau sous pression. Les sécheresses sont, à la fois, plus fréquentes et plus intenses. L’année 2022 restera l’année la plus chaude jamais enregistrée en France depuis le début des relevés en 1900. L’Italie a connu également une sécheresse sans précédent avec des images terrifiantes où nous découvrions le lit du Pô complétement à sec. Cette problématique structurelle globale touche toute l’Europe qui est d’ailleurs le continent qui se réchauffe le plus rapidement. Au cours des trente dernières années, la hausse des températures y a été plus de deux fois supérieure à la moyenne planétaire. Nous sommes en état d’urgence.
Ne pas entendre les alertes des scientifiques serait une folie :
Nous devons nous attendre de 16 à 32% de précipitations printanières et estivales en moins d’ici le milieu du siècle (horizon 2046)
Une diminution de 10 à 40% des débits moyens des cours d’eau métropolitains -9% à -20% de la pluviométrie l’hiver.
Ces alertes ne sont pas sans conséquence. De plus en plus de territoires seront privés d’eau l’été, nous allons observer de plus en plus de tensions dans les villes, l’activité économique va également souffrir du manque d’eau.
Pourtant, des solutions éprouvées existent pour éviter des pénuries d’eau, qui seraient gravement préjudiciables pour la santé publique, l’agriculture et l’industrie.
La réutilisation des eaux usées. A Milan, SUEZ a, par exemple, construit la station d’épuration et de recyclage des eaux usées de Milan San Rocco, qui permet de recycler 12 000 l/s d’eaux usées en période de pluie. En période de sécheresse, la totalité des eaux traitées est utilisée pour l’irrigation de 22 000 hectares agricoles. La France qui n’exploite que 1% de ses eaux usées est à la traine par rapport à l’Italie qui en réutilise près de 8%.
La lutte contre les fuites et l’optimisation de la consommation de l’eau grâce à la digitalisation et l’intelligence artificielle dans beaucoup d’agglomérations et de métropoles en France.
La recharge de nappes phréatiques notamment à Dunkerque.
Club Italie-France : quel sont vos prochains objectifs professionnels ? Avez-vous des projets qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
Maximilien Pellegrini : Nous sommes actuellement en train de travailler sur la nouvelle organisation qui portera la stratégie du groupe SUEZ. Sabrina Soussan, PDG de SUEZ, m’ayant fait l’honneur de me pressentir à la tête de la nouvelle division mondiale EAU, j’aurai à cœur de mettre toute mon énergie à convaincre nos clients de la nécessité d’investir dans les infrastructures et les nouveaux services qui protègent la ressource en eau. Agir pour la qualité de vie de nos concitoyens, c’est avant tout reconnaitre l’Eau comme enjeu majeur de santé et de préservation de l’environnement. La plupart des crises sont liées à l’eau. La préservation de l’eau passe par la lutte contre les fuites, l’optimisation de la consommation de l’eau, une plus grande sobriété dans les usages et le développement des eaux alternatives.
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Interviews du
16 Janvier
Informations
Directeur Général
Directeur Général Adjoint de SUEZ, en particulier responsable des activités France et Italie, il a plus de 20 ans d'expérience au sein du Groupe SUEZ.
