Club Italie-France: Intervista Jean Paul Fitoussi - 2020

Jean Paul Fitoussi

Club Italie-France : On assiste en Europe et aux Etats-Unis à un Populisme rampant, basé sur la peur de l’Autre et la protection de ses propres barrières sociales et économiques. Quelles sont aujourd’hui les opportunités à saisir pour atteindre une croissance partagée ? 

Jean-Paul Fitoussi : C’est une question très importante, à laquelle je vais répondre de façon synthétique. En premier lieu nous avons inconsciemment rendu nos sociétés violentes par les inégalités que nous avons engendrées – que les politiques ou l’absence de politique ont engendré – et qui fait que les gens ont peur. Peur d’avoir un accident de la vie qui les laisseraient démunis, peur de la violence physique et donc ils cherchent un mouvement de dictature « molle » ou « démocrature » (ndlr Dictature camouflée sous l’apparence de la démocratie). Ces mouvements se trouvent parmi les partis extrémistes dont on peut dire que tous sont autoritaristes, un moyen pour eux de se protéger.

Ensuite les promesses qui ont été faites aux populations n’ont jamais été tenues, donc la parole publique s’est décrédibilisée. Les gens ne comptent plus sur les gouvernements pour les sortir d’un mauvais pas. Il y une différence entre les Etats-Unis et l’Europe. Les Etats-Unis ont maintenu le plein usage de la politique macroéconomique dont le résultat est le plein emploi. Le plein emploi est ainsi une forme de protection même si les inégalités sont considérables. En Europe on a adopté une attitude très différente autour des principes suivants : 1/ ne pas utiliser la politique macroéconomique donc accepter de vivre avec un chômage de masse, 2/ imputer le chômage de masse à des problèmes dits structurels : un état de protection sociale trop couteux, une flexibilité du travail insuffisante. Evidemment le remède proposé aux Européens en situation de chômage de masse est inacceptable car on leur propose, alors qu’ils sont en situation de fragilité, de réduire encore davantage leur protection.  Voilà pourquoi je considère que nous faisons en réalité le jeu des mouvements extrémistes mais il faudra beaucoup de temps pour retrouver une croissance partagée. Les inégalités jouent un rôle majeur dans la mesure où l’on constate – au regard de la situation des Etats-Unis et d’un certain nombre de pays européens – que la croissance ne profite qu’à une toute petite fraction de la population. Hors la croissance qui importe c’est celle qui profite à la majorité de la population.

“Ce qui m’apparaît évident dans l’UE c’est qu’elle limite de façon considérable la démocratie. Il y a une vraie régression dans la démocratie.” 

Club Italie-France : L’Union Européenne a de graves responsabilités dans la progression des divers mouvements anti-européens : d’abord l’immigration incontrôlée qui a provoquée des fortes tensions dans les populations. Ensuite les récents attentats ont mis en évidence l’incapacité de gérer un vrai plan européen de sécurité. Quant à la fiscalité l’UE n’a pas réussi à lancer un processus concret d’harmonisation fiscale entre les pays, permettant ainsi à certains pays d’en profiter aux dépens d’autres tels que la France et l’Italie. Rappelons que l’actuel président de l’UE Juncker, au temps où il était Président du Luxembourg, a attiré de nombreuses multinationales avec des mesures fiscales qui permettaient de détaxer les bénéfices. Ajoutons que la dérèglementation du marché du travail a causé l’appauvrissement général des classes moyennes. Selon vous quels sont les risques que court l’Union Européenne si de profondes modifications ne sont pas apportées ?

Jean-Paul Fitoussi : Je suis d’accord mais je ne crois pas que l’immigration ait une quelconque importance dans la désaffection pour l’Union Européenne. Le problème de l’immigration est récent, la désaffection pour l’UE date de très longtemps. Elle date de l’apparition du chômage de masse, c’est à dire fin 1970, début des années 1980. C’est cela qui a engendré le scepticisme des populations devant l’UE. En réalité les gouvernements ont promis que l’UE et la mondialisation allaient nous rendre riches et les gens s’aperçoivent que c’est le contraire qui se produit. Ils réclament la vérité : ou bien l’UE rend riche les plus riches et pauvre les plus pauvres ou bien c’est un système qui pourrait nous apporter un surcroit de bien-être s’il était bien utilisé.

Dans le cadre institutionnel aujourd’hui l’UE ne fonctionne pas. Ce qui m’apparaît évident dans l’UE c’est qu’elle limite de façon considérable la démocratie. Il y a une vraie régression dans la démocratie. Les peuples n’obtiennent comme droit que celui de changer de gouvernement mais pas de politique. Les exemples les plus frappants de contradiction ont été ceux de Jospin, de Prodi et de Hollande. Avant son élection Lionel Jospin avait déclaré que jamais il ne signerait le pacte de stabilité. Dès le moment où il a été nommé Premier Ministre il a signé. Romano Prodi a dit « le pacte de stabilité est stupide ». Pourtant quand il est devenu président du conseil il a appliqué le pacte de stabilité. François Hollande a dit qu’il ne signerait pas le pacte budgétaire et pourtant un mois après son élection il l’a signé. Donc cela signifie que les populations se sont habituées à ce que les gouvernants ne tiennent pas leurs promesses.

Et les gouvernants se justifient en expliquant qu’ils sont contraints par les règles européennes. Ils sont en pleine contradiction. Nos gouvernants soutiennent que « l’Europe c’est la meilleure chose qui puisse nous arriver » et puis se justifient en disant « c’est l’Europe qui nous empêche d’avoir une politique de croissance, d’activité, d’emploi, etc.… ». Donc c’est un vrai problème et on ne pourra le surmonter que lorsque l’on instillera plus de démocratie dans l’Europe, lorsque les Européens seront responsables. Pour l’instant ils sont irresponsables, Juncker est totalement irresponsable. Il a été d’abord le Premier Ministre qui jouait la concurrence fiscale, maintenant il est le président qui promeut « plus de concurrence fiscale » : qui va le croire ? Le Luxembourg a construit sa richesse sur la concurrence fiscale.

Club Italie-France : Le repli sur soi est contraire à notre besoin intrinsèque de socialisation. Les problèmes économiques, la peur du terrorisme, les barrières sociales et religieuses, la pression médiatique peuvent pousser l’individu à l’égocentrisme et à un mécanisme de défense. Comment briser ces barrières et promouvoir l’inclusion sociale ?

Jean-Paul Fitoussi : Il faut supprimer la peur. Ces barrières ont en réalité un point commun : elles sont créées par la peur, l’insécurité physique et l’insécurité économique. Vous ne pouvez pas dire à une population « je vais vous permettre de vous enrichir mais vous allez être dans une situation beaucoup moins sûre que celle que vous avez aujourd’hui ». Et on a vu partout que les gens choisissaient la sécurité.  Par exemple au Brésil la queue pour devenir fonctionnaire est énorme, même parmi les gens qui touchent quatre ou cinq fois le salaire de fonctionnaire, car ils ont peur. Ils savent qu’ils risquent de ne plus rien avoir le lendemain.

Donc c’est très bien de dire aux populations « ouvrez-vous sur l’Europe, ouvrez-vous sur le monde » mais à la condition que l’on vous protège, pas de promouvoir le protectionnisme. La protection, cela signifie avoir une protection sociale, assurer que personne ne sera abandonné au bord du chemin. Pourtant les remèdes que l’on est en train de prendre aujourd’hui en sont à l’opposé. On est en train de réduire les assurances qui sont données aux salariés, provoquées par les réformes du code du travail d’Emmanuel Macron et de Matteo Renzi, mais aussi par les économies réalisées aux dépens du système de protection sociale.

“Aujourd’hui on a l’impression que la situation atteinte convient assez à ceux qui profitent du système.” 

Club Italie-France : Nos sociétés occidentales ont vécu deux révolutions : le passage de l’oral à l’écrit, de l’écrit à l’imprimé, et à présent de l’imprimé à la digitalisation. Ces révolutions s’accompagnent à chaque fois de mutations politiques, sociales et économiques. Est-on en train de vivre une « crise » positive ?

Jean-Paul Fitoussi : Comme toute révolution technologique ça dépend de ce que l’on fait. Quand on a inventé la bombe atomique on en a fait le pire mais aussi le meilleur, l’équilibre stratégique du monde. La digitalisation est un mot qui fait peur parce qu’il implique dans la pensée de beaucoup la suppression des emplois et l’augmentation du chômage. Mais tout çela est faux pour deux raisons : la première c’est qu’il faut savoir que toute innovation dans l’Histoire a fait naître les mêmes craintes : le premier exposé scientifique de Ricardo, la crainte des conséquences de la Révolution Industrielle, de la révolution de l’électricité, etc.… Aujourd’hui les thèses sont assez opposées quant aux conséquences de la digitalisation. Il y a peu d’économistes qui croient que cela va conduire à la fin des emplois. Un économiste très réputé Robert J. Gordon a écrit un livre (ndlr The Rise and Fall of American Growth ) qui dit deux choses : 1/ on ne voit pas les effets de la digitalisation sur la productivité, mais seule une très forte augmentation de la productivité du travail détruit des emplois ; dans ses analyses empiriques on s’aperçoit que la révolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication n’ont pas vraiment créé de bond de productivité. 2/ Par contre lorsqu’il compare aux révolutions des années 60 et 70 il montre que l’effet sur la productivité de ces révolutions a été considérable. A cette époque en France la productivité augmentait de 4% l’an. Aujourd’hui on est à moins de 1 %. R. Gordon affirme que c’est normal car on s’illusionne de l’importance des innovations que l’on est en train de faire. Elles auront certainement des effets favorables sur la santé, comme toutes les innovations faites (même sans la digitalisation), on a quand même inventé la pénicilline avant la digitalisation ( !) , mais disait-il « une invention comme l’eau courante ou l’électricité à la maison ou la machine à laver le linge a des effets incroyablement plus élevés sur la productivité que l’ordinateur ». A tort ou à raison, mais son discours est séduisant et il le montre dans les chiffres.  Aujourd’hui on a l’impression que la situation atteinte convient assez à ceux qui profitent du système. Plus les salariés sont en position de faiblesse plus ils gagnent. Le pouvoir de négociation des salariés est devenu trop faible, on a cassé les syndicats, il n’y a pratiquement plus d’augmentation de salaire, toutes choses que l’on croyait impossibles il y a 15 ans. Et pourtant cela arrive. Beaucoup de personnes vivent dans la précarité, n’arrivent plus à boucler les fins de mois, on est revenu à une époque que l’on pensait révolue grâce à la création de richesse. Mais pourtant cela n’a pas été le cas.

Club Italie-France : On assiste depuis peu à la rébellion des multitudes anonymes face aux élites dirigeantes : de la Révolution Arabe aux manifestations anti-Trump. Comment évolue la conception du Pouvoir ?

Jean-Paul Fitoussi : Je n’aime pas le mot « élite », disons la classe dirigeante. Il y a d’une part le politique et d’autre part les entrepreneurs et la finance. Il se trouve que les grandes entreprises et les banques sont protégées par les Etats, partout dans le monde. Elles n’ont ainsi pas besoin de protection et bénéficient considérablement du système. La classe politique subit un chantage qui est celui de dire « si vous n’allez pas dans cette direction on ferme l’entreprise et vous perdrez 2.000 emplois, ou si vous ne nous subventionnez pas on met la banque en faillite ». On l’a fait une fois avec Lehman Brothers et on a juré de ne plus le refaire tellement les conséquences furent graves. Donc il y a dans les classes dirigeantes un jeu non coopératif qui se fait entre le politique et les lobbys et qui aboutit à une situation d’aggravation normale des inégalités. Afin d’empêcher une telle évolution il faudrait une classe politique vraiment forte, mais elle ne l’est pas devant les lobbys.

Club Italie-France : Les nouvelles technologies ont profondément modifié nos comportements : smartphone, réseaux sociaux, smart economy, autant d’instruments riches d’opportunités. Comment les maitriser et éviter la menace d’une société ” virtuelle ” ?

Jean-Paul Fitoussi : Je ne crois pas vraiment à la menace d’une société virtuelle, je crois que les nouvelles technologies peuvent être utilisées de façon à augmenter les inégalités en permettant aux entreprises de toucher des milliards d’habitants par la médiation des nouvelles technologies donc d’avoir des marchés absolument gigantesques et de jouer sur les différences de salaires entre les pays du monde pour avoir le coût le plus faible de production. Ce n’est un secret pour personne que Apple fait construire ses téléphones portables en Chine, que Nike produit en Chine aussi, là où ce n’est pas cher, Il s’agit de très grandes entreprises, immensément riches et ça c’est en réalité une évasion fiscale et sociale qui appauvrit l’Etat en réduisant les moyens qu’il pourrait utiliser pour lutter contre les phénomènes tels que le chômage de masse ou la pauvreté. Il y a maintenant en Allemagne un taux de pauvreté de 17% ! L’Allemagne qui est considérée comme le modèle européen ! Il y a des salaires inférieurs à 5€ de l’heure. Si c’est ça la modernité il faut mieux l’éviter, on l’a déjà vu au 19ème siècle.

Club Italie-France : Dans « le Théorème du lampadaire » vous expliquez comment les marchés financiers se sont détournés de leur fonction première, le financement de l’économie. Ayant comme conséquences directes la condition de vie des Européens et une certaine régression de la démocratie. Comment la Finance pourrait-elle reprendre une place de moteur économique et social ?

Jean-Paul Fitoussi : On s’est longtemps interrogé avec Stiglitz (ndlr Joseph E. Stiglitz, économiste américain, Prix Nobel d’économie en 2001) pour savoir si le secteur financier devait être considéré comme apportant une valeur ajoutée ou comme étant un produit intermédiaire. Dans le PIL n’est comptabilisée que la valeur ajoutée. Si le secteur financier était considéré comme étant un produit intermédiaire il ne serait pas comptabilisé dans le PIL. Le secteur financier est un moyen, pas une fin. C’est le moyen de financer l’investissement, c’est le moyen de réconcilier les plans des entreprises et des épargnants, donc c’est un moyen au service de l’activité économique normale et réelle. Ce qui s’est passé c’est que le système bancaire « fantôme », où les banques d’affaires ne sont pas soumises aux mêmes règles que les banques commerciales, est entré dans le jeu et que les banques commerciales sont aussi devenues des banques d’affaires. Parce que c’est beaucoup plus amusant de spéculer que d’être au guichet, de discuter avec un client pour gagner 100€, alors qu’en spéculant on peut gagner des millions et donc jamais les banques n’accepteront un retour en arrière, c’est à dire la séparation entre les banques d’affaires et les banques commerciales. Aux Etats-Unis un début de séparation a commencé à se faire sous Obama mais c’est une séparation virtuelle, c’est à dire les banques d’affaires restent dans la banque commerciale mais sont considérées comme une entité différente. En Europe il n’en n’est pas question. C’est un tabou total. Il y a un vrai débat car les gouvernements font prendre de cette façon des risques inconsidérés aux populations. Pourquoi je dis cela : il est impossible de ne pas avoir de compte bancaire, les paiements en liquide sont interdits donc vous devez avoir un compte bancaire. Mais si vous avez un compte bancaire et que la banque tombe en faillite vous perdez tout votre argent. Certes, l’Etat vous rembourse un minimum garantit mais le reste vous le perdez, donc de deux choses l’une si on est responsable jusqu’au bout, si on vous oblige à avoir un compte bancaire, on doit vous garantir que vous le récupérerez.

“J’avais l’espérance que les Français et les Italiens s’entendent vraiment et un jour tapent du poing sur la table en disant : ou bien vous changez cette méthode de gouvernance ou bien on s’en va.” 

Club Italie-France : L’Angleterre est l’unique nation capable de contrebalancer le poids de l’Allemagne en Europe. Suite au Brexit, la France et l’Italie qui représentent ainsi la seconde et troisième force économique en Europe seront-elles capables d’être un contrepoids à l’hégémonie allemande ?

Jean-Paul Fitoussi : L’hégémonie Allemande est née avant le Brexit. Elle a toujours existé sur la zone Euro. Et l’Angleterre n’a jamais été dans la zone Euro. La sortie de l’Angleterre du fait du Brexit est une catastrophe pour l’Angleterre. Ce n’est pas une catastrophe pour l’Italie, la France, l’Allemagne. Mais dans les circonstances actuelles il y a peu de chance que l’Allemagne perde son hégémonie. Elle aurait pu accepter de la perdre si Angela Merkel avait gagné de façon plus nette les élections mais cela n’a pas été le cas. De sorte qu’elle va devoir passer des compromissions avec d’autres partis qui veulent sauver les épargnants et ne veulent pas payer pour les autres pays « pour ces fainéants d’Italiens, de Grecs ». Et Emmanuel Macron n’aura pas la puissance nécessaire pour faire bouger cet équilibre politique qui est en train de s’installer en Allemagne.

J’avais l’espérance que les Français et les Italiens s’entendent vraiment et un jour tapent du poing sur la table en disant : « ou bien vous changez cette méthode de gouvernance ou bien on s’en va ». Il me paraît évident que personne ne peut laisser partir la France ou l’Italie sans détruire l’Europe. Le pouvoir de négociation de la France et de l’Italie ensemble est beaucoup plus important qu’ils ne le pensent. Il est beaucoup plus important que celui de l’Allemagne, à la limite l’Europe pourrait subsister au départ de l’Allemagne mais pas à celui de la France et l’Italie.

Club Italie-France : L’Italie et la France sont deux pays très proches culturellement. Ils sont également confrontés à des problèmes similaires tant au niveau économique, politique que social. A votre avis, quels sont les obstacles au changement et pourquoi, malgré les nombreuses manifestations et protestations, l’Italie et la France n’arrivent pas à mettre en œuvre les réformes envisagées ? Manque-t-il une culture du changement ou la volonté de transformation?

Jean-Paul Fitoussi : Je crois que le changement est en cours, ça fait très longtemps que le changement est en cours. Quand je pense à la loi Fornero les nerfs me viennent. Quand je pense à toutes les réformes qui ont été faites en Italie et en France sous le mandat de Renzi, de Hollande, de Macron, de Sarkozy, de Monti etc.… On se moque du monde en disant que ces pays ne changent pas, ils changent, tous les jours. Le changement est vraiment en marche, non parce que les politiques sont courageux mais qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Et surtout dans un contexte européen, quel est l’instrument de politique économique qui reste dans les mains d’un pays ? Ils n’ont plus la politique monétaire, budgétaire, industrielle, de change, alors quoi ? Le seul moyen c’est la réforme structurelle, c’est à dire le changement social, rien d’autre.

La grande différence entre la France et l’Italie c’est que partout en Italie on vous accueille. Pas uniquement les gens de votre milieu.”

Club Italie-France : Vous êtes particulièrement suivi et apprécié en Italie. Pourriez-vous nous raconter comment est né ce lien avec ce pays et ce qui vous plait ?

Jean-Paul Fitoussi : Ça remonte à longtemps, j’avais reçu une lettre du département de l’Institut Universitaire Européen de Florence qui me proposait de venir à Florence comme professeur. Florence c’était un rêve, j’étais à l’époque à Strasbourg. J’ai dit immédiatement oui. Ça a été des années magnifiques dans ma vie, le travail était passionnant, un travail de chercheur, on ne faisait quasiment pas de cours, que des séminaires et puis la qualité de vie en Italie m’est apparue formidable et aussi l’ouverture des gens. C’est incroyable à quel point les gens veulent vous aider quand vous leur demandez quelque chose, ils sont là, ils ne disent pas non. Je me souviens d’un type à qui on avait demandé notre chemin, il pleuvait à torrent, il était accoudé à la voiture, on lui a dit « monte dans la voiture » il a dit « non, ce n’est pas grave » et il nous expliquait le chemin, sous la pluie ! J’ai adoré l’Italie. C’était mon pays préféré.

Ensuite La Repubblica avec Rampini (ndlr Federico Rampini est un journaliste et écrivain italien) et Ezio Mauro (ndlr journaliste italien et actuel directeur de la publication du quotidien national La Repubblica). Ils m’ont demandé de devenir éditorialiste, j’ai accepté et la machine s’est enclenchée Ensuite des amis m‘ont fait connaître Massimo Egidi (ndlr Recteur de la Libera Università Internazionale degli Studi Sociali “Guido Carli”à Rome ) qui m’a demandé de venir à Rome. Donc j’ai une belle histoire avec l’Italie. La grande différence entre la France et l’Italie c’est que partout en Italie on vous accueille. Pas uniquement les gens de votre milieu. J’ai été accueilli de façon extraordinaire par les chefs d’entreprises, ils m’ont ouvert leurs portes, ils m’ont ouvert leurs conseils d’administration, ils m’ont demandé de venir parce que ça leur faisait plaisir d’avoir quelqu’un comme moi dans leur conseil d’administration. Le monde politique est aussi beaucoup moins snob que le monde politique français. Tout est ouvert et ça lorsque vous venez de France, et surtout de Paris où tout est fermé, vous remarquez tout de suite la différence.

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6 Avril

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Économiste
Célèbre économiste, il partage sa vie et ses intérêts entre la France et l’Italie. A Paris il est Professeur émérite à Sciences Po.
Club Italie-France: Chloé Payer - Team
Interview réalisée par
Chloé Payer