Club Italie-France: Intervista Christian Estrosi - 2020

Christian Estrosi

Club Italie-France : Vous êtes Maire de la ville de Nice depuis 12 ans. Comment a-t-elle changé en 12 ans? Quelles-sont vos priorités pour les années à venir?

Christian Estrosi : Nous avons commencé à faire de Nice la capitale verte de la Méditerranée. Et nous allons décupler nos efforts pour permettre à notre territoire de réussir la transition climatique et d’améliorer le cadre de vie de ses habitants. Si les réalisations que sont la Promenade du Paillon et les nombreux espaces verts à l’image du parc du Ray, ainsi que les lignes 2 et 3 du tramway, resteront les plus marquantes, nous allons poursuivre l’embellissement de notre patrimoine, la végétalisation et la conquête de la cité par 70 hectares de végétalisation supplémentaire et la mise en œuvre d’une mobilité où chacun à égalité, piétons, automobilistes, usagers des transports, cyclistes, trouveront réponses à leurs attentes. Nous avons, avant l’été, engagé le prolongement de la Promenade du Paillon : le début des travaux est planifié en 2023 après une phase de concertation et d’études.  

La sécurité de mes concitoyens reste également ma priorité. Nous lancerons dès 2022 la transformation de l’ancien hôpital Saint-Roch en hôtel des polices innovantes, qui permettra de rassembler la police nationale et notre police municipale et qui sera un modèle national d’innovation au service de la sécurité de nos habitants. Le Premier Ministre Jean Castex et le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, venu à Nice cet été, ont rappelé les engagements de l’Etat à ce sujet et son soutien financier.

Pendant ce nouveau mandat qui commence, je ferai mon possible pour obtenir de nouveaux actes de décentralisation. La gestion de l’épidémie de Covid 19 a montré que les territoires, les Maires, sont en première ligne pour mettre en place des mesures immédiates et concrètes pour épauler au mieux les soignants et protéger au mieux les habitants. Je continuerai à me battre pour que l’Etat transmette aux collectivités de vraies capacités d’expérimentation, notamment en termes de sécurité, de santé ou d’économie. Cette crise sanitaire nous donne aussi l’occasion de réfléchir à la mise en place d’une gouvernance transfrontalière multi-niveaux entre les collectivités frontalières et les gouvernements italiens, français et monégasques, qui pourra être activée en cas de crise afin de mieux protéger les citoyens et faciliter la vie de  ceux qui vivent et travaillent de part et d’autre de nos frontières.

Club Italie-France : La ville de Nice a été frappée par un attentat le 14 juillet 2016. Comment a-t-elle réagi la ville de Nice? Quelle réponse peut apporter aujourd’hui la sécurité aux citoyens?

La barbarie qui a frappé Nice le 14 juillet 2016 restera une blessure qui marquera pour toujours notre ville et ses habitants. Le souvenir de nos 86 victimes restera gravé à jamais. Nice, meurtrie, a fait preuve de courage et de résilience, et a su se relever.

Si la sécurité est la mission régalienne de l’Etat, j’ai toujours pensé que les Maires devaient être mieux associés à la sécurité des habitants et à la sécurisation des espaces publics. C’est le sens de la Déclaration de Nice que j’ai lancée en 2017. Face aux défis du terrorisme, 62 maires de 19 pays, notamment d’Europe et de la Méditerranée ont signé cette Déclaration pour montrer qu’ils étaient unis pour la prévention de l’extrémisme violent et de la sécurisation des villes en Europe et en Méditerranée, et que l’Europe devait mieux nous accompagner dans le financement de ces dispositifs locaux de sécurisation.

A Nice, j’ai engagé la mise en place de nouveaux dispositifs et de mobiliers urbains pour mieux encadrer la circulation et assurer la sécurité des passants. Nous avons installé tout un réseau de plusieurs centaines de bornes à proximité des places et rues piétonnes. Nous avons mené, pour un coût total de 30 millions d’euros dont 6 millions pour la sécurisation, la requalification complète du trottoir sud de la Promenade des Anglais, avec mise en place de bornes anti bélier, de contrôle d’accès sécurisé au trottoir et d’une lisse anti intrusion le long du ruban planté. Ce dispositif de sécurisation a été complété par une végétalisation esthétique, la plantation de nombreux arbres et le développement de la piste cyclable en site propre. Ce dispositif de sécurisation a été citée comme modèle par Julian King, alors commissaire européen à la sécurité.

Club Italie-France : Vous êtes le maire de Nice, ville qui accueille une grosse communauté italienne. Vous même, vous avez des origines italiennes. Quel rapport avez-vous avec vos origines et avec l’Italie?

Christian Estrosi : Le Comité de Nice a fait partie du Royaume de Sardaigne de 1818 à 1860. C’est de la Place « Garibaldi » que le Général Garibaldi est parti de Nice pour unifier l’Italie en 1861 alors que Nice était rattachée à la République française. Donc oui, cette Histoire commune a laissé des traces dans nos territoires transfrontaliers. Nos populations se sont mêlées, l’architecture exceptionnelle de la ville est d’inspiration italienne et la gastronomie niçoise est similaire aux plats emblématiques ligures (la « socca » à Nice est la « farinata » en Ligurie) et piémontais (le « stocca ficca » et « la bagna cauda » au  Piémont)….

En effet, vous avez raison : la communauté italienne est très présente sur Nice : 20 000 résidents permanents et 25 000 résidents secondaires. Les Alpes-Maritimes comptent plus de 1300 entreprises italiennes. Sur les 350 restaurants que compte la ville de Nice, 70 % de leurs propriétaires sont d’origine italienne. En matière de tourisme, l’Italie est également le principal marché étranger de la Côte d’Azur.

Quant à moi, je suis humblement aux couleurs de ma ville et de son histoire. Je suis petit-fils d’un couple d’Italiens originaires d’Ombrie ayant immigré à Nice avant la Première Guerre Mondiale. Ils ont travaillé dur et se sont intégrés. Je suis fier de cette histoire et de cet héritage.

Club Italie-France : Nice est une ville géographiquement très proche de l’Italie. En quelques heures, on arrive à Vintimille, ville de frontière. Quels sont les accords, les partenariats, les jumelages et les projets entre Nice et les villes italiennes? Quels sont les secteurs économiques dans lesquels on remarque le plus de synergies (financier, industriel …) ?

Christian Estrosi : La Ville de Nice et la Métropole Nice Côte d’Azur entretiennent des liens privilégiés avec les territoires italiens : Accords de jumelage et d’amitié avec les communes de Cuneo, Sorrente, Apricale, Dolceacqua, Isolabona, Perinaldo, Pigna, Rocchetta Nervina, Gênes et Turin. En 2015, la Principauté de Monaco a signé une convention cadre de coopération pour l’innovation et le développement économique avec la Métropole. Et depuis 4 ans, la Métropole Nice Côte d’Azur a œuvré pour devenir le moteur de la coopération transfrontalière et une cité moteur de l’Europe concrète, celle qui part de la réalité de la vie des gens et qui fait confiance aux collectivités pour améliorer les conditions de vie des habitants.

Le 16 décembre 2019, Nice est la première Métropole française à adopter son Schéma de Coopération Transfrontalière (SCT) 2020-2030, co-construit avec nos partenaires italiens, monégasques et français. En plus d’une stratégie à dix ans de la coopération transfrontalière, le Schéma pose les bases d’une coopération tripartite entre la Métropole Nice Côte d’Azur et ses partenaires français et italiens, sans oublier la Principauté de Monaco.

Ce schéma est structuré en quatre échelles de travail représentant les échelles de coopération économiques existantes sur le territoire. Une échelle de proximité couvrant le littoral, une échelle de montagne pour la coopération entre territoires ruraux, une échelle d’innovation inter métropolitaine Nice-Gênes-Turin-Monaco et une échelle d’influence macro régionale alpine, méditerranéenne et européenne pour faire entendre la voix du territoire transfrontalier dans chacune de ces espaces d’influence.

Actuellement, la Ville de Nice et la Métropole Nice Côte d’Azur sont partenaires de 26 projets transfrontaliers en coopération avec les régions italiennes Toscane, Sardaigne, Ligurie, Piémont et Vallée d’Aoste, avec les Provinces et les chambres de commerce d’Imperia et de Cuneo, avec les parcs naturels des alpes ligures et alpi marittime et les universités de Gènes et de Turin ainsi que tous nos partenaires français. 

Club Italie-France : La France et l’Italie partagent des batailles communes dans le cadre européen: par exemple, celle sur l’agriculture et la qualité du bio, ou encore celle sur l’environnement. Comment se positionne Nice par rapport à ces batailles et est-ce qu’il existe des projets transfrontaliers à ces sujets? Pensez-vous que la coopération entre la France (en particulier le Sud) et l’Italie soit valorisée? Quels seraient à votre avis les axes pour l’améliorer ?

Christian Estrosi : La zone transfrontalière est un terrain pertinent en termes d’expérimentation, tant, de part et d’autre de la frontière, nous partageons les mêmes contraintes et atouts géographiques, les mêmes réalités de vie quotidienne. Ces projets transfrontaliers que nous portons concernent majoritairement le développement de services économiques, touristiques, sanitaires et sociaux dans nos zones rurales et de montagne mais aussi la protection de notre environnement, de notre biodiversité et de notre agriculture. En ville, les projets visent à développer des réseaux transfrontaliers, en particulier grâce aux nouvelles technologies : pour la numérisation de notre patrimoine culturel, pour la gestion du risque inondation transfrontalier, pour le développement d’une filière touristique intelligente, et pour le monitoring de la pollution sonore dans les ports. Ces sujets sont prioritaires pour l’avenir transfrontalier franco-italien à mon sens.

En 2019, la Métropole a adopté un projet de Plan Alimentaire Territorial visant à contribuer au développement de l’agriculture locale, durable, et en circuit court, et à développer les liens entre les acteurs locaux du système alimentaire métropolitain.  En juillet 2020, la Métropole a voté une Politique Agricole Foncière et Alimentaire en vue de relancer l’installation agricole sur son territoire un budget annuel de 3 millions d’euros sur 10 ans.  

La Métropole Nice Côte d’Azur est présente dans deux projets transfrontaliers qui touchent particulièrement à l’agriculture et aux produits du terroir. Le premier projet PAYS AIMABLES, vise à créer des parcours touristiques autour du patrimoine gastronomique et naturel de nos territoires. Le second PAYS CAPABLES, en lien direct avec le premier vise à mettre en valeur ces produits, notamment par la création de modules de formation professionnelle autour de la gastronomie méditerranéenne et de nos produits du territoire. Nos deux pays ont énormément à offrir d’un point de vue environnemental et agricole et cela fait leur popularité sur la scène européenne et internationale. Les projets transfrontaliers sont un outil pour mettre en commun nos forces et nos savoirs faires au service du développement économique et de l’attractivité de nos territoires.

Club Italie-France : Une coopération optimale passe aussi par un bon réseau des transports. La mairie de Nice a-t-elle des projets à ce sujet ?

Christian Estrosi : Nous travaillons sur un projet de navettes maritimes qui puisse éviter aux personnes qui, chaque jour, se rendent à Monaco pour le travail d’utiliser leur voiture individuelle.Par ailleurs, la ligne 1 du tramway s’arrête à Pont Michel et permet ainsi une intermodalité avec la ligne de train Nice-Cuneo.

Récemment, la Commission européenne a validé l’intégration de l’axe Marseille-Gènes dans le corridor méditerranéen européen, ce qui nous permettra de co-financer de grands projets d’infrastructures pour l’amélioration de la ligne de TER Marseille-Nice-Monaco-Vintimille, telle que la ligne nouvelle Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Nous travaillons également de concert avec la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, autorité organisatrice des transports ferroviaires, pour répondre aux besoins des habitants et travailleurs transfrontaliers. A ce titre, en janvier dernier, nous avons mis en place un abonnement de transport unique pour les transports interurbains français et monégasques, Trains Express Régionaux et chemins de fer de Provence.

Club Italie-France : La ville de Nice est surtout connue pour sa vocation touristique. Quels sont les autres secteurs attractifs pour l’économie de la ville? Comment l’expansion de Sophie-Antipolis a contribué à l’économie de la Région? Comment voyez-vous le développement de la Cote d’Azur, notamment dans les secteurs technologiques?

Christian Estrosi : L’économie touristique est importante sur notre territoire, et nous l’accompagnons toujours plus avec l’amélioration de notre offre de tourisme de congrès, mais laisser un territoire dépendre uniquement d’un seul secteur économique n’est pas responsable. Voilà pourquoi dès 2008, j’ai engagé la diversification économique de notre territoire et sa mutation industrielle.

Ministre de l’Industrie, j’avais pressenti les nouvelles filières potentiellement porteuses de croissance et de la création d’emplois en France. Santé connectée, éco-industrie, numérique … Nous avons donc fait le choix de mettre autour de la table les grands acteurs industriels, les acteurs de la recherche et de l’éducation et de l’Université. Nous avons mis un coup d’accélérateur aux start-up locale en créant la Pépinière d’entreprise Nice Côte d’Azur (CEEI), qui a depuis fait émerger 155 start-up et plus de 1 100 emplois. Grâce à cette politique volontariste, Nice est aujourd’hui 13ème smart city mondiale et première smart city française selon le cabinet spécialisé Juniper Research.

En complément de Sophia-Antipolis, notre politique innovante permet de contribuer à faire des Alpes-Maritimes une terre industrielle majeure.  Epine dorsale de cette mutation économique, notre Eco-Vallée Plaine du Var,  située à l’ouest de Nice, desservie par les nouvelles lignes 2 et 3 de tramway, à proximité du futur pôle multimodal et de notre aéroport, le deuxième de France, permettra a permis de créer en dix ans, notamment grâce à sa technopole urbaine, 6515 emplois ce qui représente 40% des emplois créés à l’échelle du département sur la même période. Nous créerons à terme 30 000 emplois, tout en poursuivant nos efforts collectifs en ce sens. 

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Interviews du

28 Septembre

Informations

Maire de Nice.
Il a crée la première Métropole de France, dont il est devenu le premier Président.
Club Italie-France: Affaires Internationales - Daisy Boscolo Marchi - Team
Interview réalisée par
Daisy Boscolo Marchi