
Andrea Furlan
Club Italie-France : Quel est votre parcours et comment avez-vous abordé le monde de l’horlogerie ? Est-ce une passion que vous cultivez dès votre plus jeune âge ?
Andrea Furlan : C’est effectivement une passion que je cultive depuis de nombreuses années, plus précisément mes 15 ans. Pendant que mes amis partaient en vacances d’été, j’ai entrepris une dizaine de stages en horlogerie de 15 à 19 ans. Par exemple chez Chopard, Hublot, HD3 Complication ou encore Sarcar. Après une formation scolaire option bilingue allemand, histoire et philosophie des sciences et biochimie, j’ai été à l’université en design industriel, l’ECAL, à Lausanne en Suisse. Cette école m’a challengé sur plusieurs points, tant au niveau de la création que de la production d’un produit. Mais il est vrai que dans un coin de ma tête, il y avait toujours cette idée de travailler dans l’univers horloger. J’ai donc pu travailler pour l’horloger-inventeur Dominique Renaud, fondateur de Renaud & Papi, sur un projet complexe et incroyable qui revisite les fondamentaux de l’horlogerie.
Ces 4 années au côté d’un horloger de légende m’ont ouvert l’esprit sur le côté technique de l’horlogerie indépendante, une totale liberté créative et une compréhension profonde des différents processus de fabrication et finitions. Puis, après 4 ans, je suis parti sac à dos en Asie, à Shenzhen et Hong Kong puis Los Angeles. Là bas, j’ai pu travailler en tant que consultant pour différents groupes, rencontrer des personnes clés qui m’ont donné des conseils précieux en e-commerce, marketing (livres, podcast à écouter). J’ai pu également me rendre compte de la réalité des choses, de la complexité à créer une marque, car il faut contrôler toute la chaîne de production, comprendre comment la production de masse est très différente d’une production indépendante et limitée. Avoir pu être au cœur de tous ces processus m’a permis de choisir les bons fournisseurs, les personnes de confiance avec qui nous voulions, mon partenaire-associé et moi-même créer cette marque.
Club Italie-France : Comment et quand est née la marque Furlan-Marri ? Quelles sont ses valeurs fondamentales ?
Andrea Furlan : J’ai toujours su qu’un jour je travaillerai à la création d’un projet horloger, alors avoir une marque propre est encore plus passionnant. L’idée de Furlan Marri est venue lors de mon voyage en Asie, lorsque Hamad Al Marri et moi-même avons commencé à dessiner les premiers modèles. Il y avait également une volonté de créer une marque haut de gamme 100% suisse mais la situation COVID-19 n’a pas aidé. Ce projet est né en pleine pandémie, bloqué dans nos pays respectifs. Il a fallu optimiser, automatiser les processus et heureusement que le voyage en Asie et Amérique avait été réalisé avant. Les valeurs de notre marque sont simples: Crafted with care, designed for details (Réalisé avec soin, pensé pour les détails). Nous nous efforçons toujours de proposer plus au client, une sorte d’expérience plus qu’un produit.Cela se ressent dans notre packaging, notre typographie utilisée jusqu’au concept de vente.
Club Italie-France : Y a-t-il eu un événement ou un épisode particulier qui vous a poussé à devenir designer ? Quelle est votre source d’inspiration pour votre travail de designer au quotidien ?
Andrea Furlan : Mon grand-père portait une Rolex qu’il n’enlevait jamais. Un jour, il me dit qu’il me la donnerait en héritage et cela m’a poussé également à m’intéresser à l’univers des montres, les dessiner. Je passais toute une nuit à dessiner au stylo Rotring et à gratter le papier calque avec un cutter pour effacer l’encre comme avait pu le faire mon père, qui était dessinateur technique à l’époque. Je pense que ces moments ont forgé l’idée de devenir créateur, dessinateur et travailler dans l’horlogerie très tôt. Mes sources d’inspiration sont nombreuses au quotidien. Cela va d’un livre lu à propos de voyages, jusqu’à la lecture d’archives horlogères. Cela va de l’architecture minimaliste japonaise aux différentes mosaïques que l’on peut retrouver un peu partout dans le monde. Le fait de faire des liens avec tous ces éléments est une source inépuisable d’inspiration.
Club Italie-France : Pouvez-vous nous dire ce qui caractérise une bonne montre ? Quelles sont les étapes de développement d’une montre Furlan-Marri ?
Andrea Furlan : C’est une question complexe. Je pense qu’une montre doit être pensée dans son ensemble, avec des choix judicieux en matière de combinaisons de couleurs, une bienfacture des composants, une réflexion autour du projet dans sa globalité, et non une montre ou objet en tant que tel. Ce qui est intéressant c’est de comprendre le cheminement, les personnes derrière un projet et la vision à long terme d’une marque, son pourquoi. Les étapes de développements passent toutes par Genève en premier lieu. Hamad et moi-même nous dessinons, discutons et mettons en place les éléments de nos projets. Comme les impressions 3D en plastique, afin de contrôler l’angle de la montre si elle tombe bien sur le poignet. Nous avons une équipe en Asie pour les projets ainsi qu’une en Suisse pour le Swiss made et les projets plus complexes. Quelques prototypes sont créés afin de pouvoir les tester, les photographier et les envoyer aux différents médias et avoir des feedbacks sincères sur nos produits.
Club Italie-France : Dans un monde de plus en plus dominé par l’Internet des Objets et la technologie, le monde de l’horlogerie saura-t-il suivre ces tendances ? Que peut-on attendre de l’avenir de l’horlogerie ?
Andrea Furlan : Je pense qu’une digitalisation est déjà en place chez plusieurs marques horlogères, cela est plus compliqué pour une marque qui propose des montres de haute horlogerie. Il est bien sûr plus facile de se laisser tenter par un achat entre 500-3000 euros qu’un achat à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Les marques peuvent par contre créer plus d’expériences virtuelles en ligne qu’avant, grâce aux nouveaux outils de digitalisation, de réalité virtuelle. Il sera très intéressant de voir comment les marques vont suivre cette digitalisation et comment l’horlogerie va évoluer et se réinventer.
Club Italie-France : Sur votre site vous pouvez voir un détail intéressant : la marque Furlan Marri raconte des histoires éphémères sur tous ses produits. Pourquoi ? Comment cette idée est-elle née ?
Andrea Furlan : Nous ne pouvions pas garder trop de modèles en collection permanente, sur plusieurs années. Bien sûr les références sont éphémères mais pas les collections. C’est-à-dire qu’une montre chronographe pourra tout à fait perdurer dans notre collection des années durant, tandis que les différentes références seront éphémères. L’idée de l’éphémère nous pousse à propose des collections différentes et donc nous pousse à être créatifs.
Club Italie-France : Quels sont vos projets pour l’avenir ? Quels sont les objectifs que votre marque Furlan-Marri compte accomplir dans les prochaines années ?
Andrea Furlan : Les projets pour l’avenir sont nombreux. Nous sommes déjà en train de boucler les développements pour 2023 et avons des idées jusqu’en 2025. L’année 2022 sera une année importante pour la marque. Nous allons intégrer notre ligne swiss made, mouvements suisses. Nous verrons également des collaborations extraordinaires et des développements plus complexes dans le futur. Nous garderons aussi notre histoire sur le mecaquartz qui a été notre première histoire et nous ne l’arrêterons pas. Cependant, il y aura une collection permanente sur un an seulement, avec des éditions limitées et des nouvelles collections éphémères.
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Designer et président. Co-fondateur avec Hamad Al Marri, artiste et collectioneur, de la maison horlogère Furlan Marri
